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Traversée de Charlevoix Circuit Bikepacking

Backcountry Speed Bromance

Texte par Loïc Olivier
Photos par Loïc Olivier, David Nesbitt, Kelly Gault, Adrian Grant, Rob Hutchison, Sandra Beaubien et Mike McGuire

RV au QG de l’AVMO-OMBA un vendredi après-midi d’automne.
On est sept, on a une Subaru et un pickup remplis à ras bord de monde et de gear.

Pour l’occasion, tout le monde a choisi son “gros” vélo. On est tous en “plus” bike ou en fatbike. Mon Chic-Chocs est chaussé de gros pneus 4.8”; Mike, lui, a chaussé son Chic-Chocs avec des 27.5”+ et une fourche à suspension.

On s’en va à Charlevoix un vendredi soir de septembre. Évidemment, on se tappe le trafic du vendredi. “Mal nécessaire”, certains diront…
Dans notre bagnole, c’est Kelly qui chauffe. Gros beats tout le long de la 40.

On arrive à Beaupré vers 23h et on se rend direct à la Microbrasserie des Beaux Prés pour s’enfiler des micromousses.
Lights out tardif. Debout à 6h. P’tit dej bien lourd chez Marie Beaupré avant de reprendre la route.

L’objectif de la fin de semaine, c’est de faire la Traversée de Charlevoix à vélo. On parle ici de LA Traversée, celle avec une majuscule, celle dont le parcours a été créé par Eudore Fortin il y a plus de 40 ans. La version vélo est plus jeune que la version originale mais elle suit sensiblement les mêmes lignes à travers l’arrière-pays charlevoisien et est décrite par l’organisme qui chapeaute la Traversée comme étant une “[a]ctivité considérée comme extrême, elle est réservée à des cyclistes d’élite en raison des difficultés techniques. (…) Pour amateurs expérimentés et très en forme un raid de trois jours considéré comme l’un des plus grands défis au Québec.”

La formule est simple: 3 jours de vélo, 2 nuits en chalet, 105km de vélo, 2500m de dénivelé. L’équipe de la Traversée s’occupe de charrier nos bagages et de nous approvisionner en eau à chaque chalet. Pas du “vrai” bikepacking au sens orthodoxe du terme mais ça reste un beau gros trip de vélo dans l’arrière-pays. Personnellement, j’ai pas de problème à me concentrer sur la ride pendant 3 jours.

Comme ça reste un trip d’arrière-pays, il faut quand même apporter un minimum de matériel avec soi sur le vélo. S’il t’arrive un bris mécanique, ou pire, si tu te fais des bobos, t’as un vrai problème. Faut avoir un plan B. Dans le frame bag du Chic-Chocs, j’ai un paquet d’outils et quelques pièces de rechange, deux chambres à air et de la bouffe. Sur le top tube, un appareil photo, mon téléphone, mon GPS, une carte des sentiers et encore de la bouffe. J’ai 3L d’eau sur le dos et j’ai bourré mon sac de selle de vêtements et d’une trousse de toilette.

Petite bière froide avant de partir un peu avant midi. Il fait beau et chaud, ça promet!

Les premiers kilomètres vont vite, on roule sur le plat dans les chemins de la ZEC des Martres. Ça va tellement vite qu’on a presque le goût de boire une autre bière.

Une chance qu’on s’est gardé une p’tite gêne… Parce que quelques kilomètres plus loin, on a eu droit au hike-a-bike du siècle. On a poussé et levé nos vélos pendant des heures…

Pit stop nécessaire en fin d’après-midi pour filtrer plusieurs litres d’eau afin de continuer. On a clairement sous-évalué le niveau de difficulté de cette première journée. Il se fait tard, on avance à pas de tortue et il reste les ⅔ du parcours de la première journée à faire, mais seulement quelques heures de clarté…

On discute rapidement du plan B (dormir dans le bois sans abri, si on en arrive à ça) et on fonce avec détermination, sans trop savoir à quoi s’attendre…

À 17h, on sort du bois, généralement en bonne forme. Jusqu’à date, pas de bris mécanique majeur, et pas de bobos majeurs non plus, hormis un setup tubeless qui a lâché et quelques genoux ensanglantés. Sur le chemin de gravier de la ZEC, les plus rapides détalent. Le groupe se scinde en groupuscules. Quelques kilomètres plus loin, à un endroit assez moche, rocailleux, un paysage presque lunaire, on voit quelques caravanes stationnées sur le côté de la route. Une dizaine de personnes sont assises autour d’un feu de camp, buvant de la Bud. Les gars sont habillés en chasseur. Y a des coupes Longueuil de compétition dans le groupe. En passant près d’eux, je les salue. Maudit que leur bière à l’air bonne… C’est tout ce que ça prend pour que trois des gars se lèvent de leurs chaises, qu’on me donne une Bud et qu’une coupe Longueuil finisse sur le Chic-Chocs! C’est ça, l’effet Panorama. Backcountry Speed Bromance.

On rit 5 minutes, les chasseurs essaient le vélo et j’en profite pour demander des renseignements sur le reste du parcours de cette première journée. Bière tiède en main, je les remercie et les quitte, et pédale en direction du reste du groupe qui m’attend 200m plus loin. “IL RESTE 10 KM DE DOUBLETRACK!!!”. La Bud tablette a jamais été aussi bonne.

On arrive au chalet une heure plus tard. Ce soir, on partage le dortoir avec deux randonneurs qui sont à leur deuxième nuit sur les sentiers. Ils relaxent et jouent au bonhomme pendu.

Certains membres du groupe en ont vraiment bavé aujourd’hui, et ça paraît. Ils peinent à se changer et ont de la difficulté à se nourrir. On prend ça cool, on s’assure que tout le monde s’abreuve et se nourrit correctement pour reprendre des forces. On a encore 75km à couvrir sur deux grosses journées de vélo. Les randonneurs se couchent à la tombée de la nuit. Notre groupe reste encore debout une heure ou deux à se raconter des conneries. Tout le monde est couché vers 22h30.

Mon truc le plus jouissif en camping, c’est la première gorgée de café du matin. Tu te lèves, t’es raqué, t’es gelé… Tu sors ton brûleur, ton kit à café, tu fais bouillir ton eau. Tu patientes… Et quand finalement tu bois ta première lampée, tu sors de la brume.

Après le café, on prépare le déjeuner collectif pendant que les derniers se lèvent tranquillement. P’tit dej de trucker, histoire d’avoir une tonne de carburant pour la journée. Aujourd’hui on niaise pas, on part vers 8h. Tout un exploit pour un aussi gros groupe!

On sort rapidement du bois et on gagne en altitude. En fatbike, on roule très bien sur les chemins de la ZEC, qui sont à la fois sablonneux et rocailleux et qui sont clairement aménagés pour les véhicules tout terrain. Ça monte, ça monte encore. Les jambes brûlent. Les vues à couper le souffle se succèdent.

À force de monter, faut bien que ça descende. On dévale le sentier pendant plus d’une demi-heure. mes mains crampent, mes freins chauffent… Ça sent le brûlé!

Après l’heure du lunch, on recommence à grimper. Les côtes sont abruptes, parfois à 30% d’inclinaison. Impossible pour nous de les monter à vélo. On pousse, la tête baissée. Après chaque grande côte, on s’arrête pour respirer. Sandra et moi en profitons pour nous gaver de bleuets sauvages. Il y en a partout!!

Les sentiers sont de plus en plus accidentés. Ici, les habiletés de vélo de montagne sont franchement utiles. Je m’en donne à coeur joie et à un moment donné, me rends compte que je suis seul sur le sentier. J’attends quelques minutes puis décide de revenir sur mes pas… Les copains m’attendent patiemment 2km plus haut. Dans ce secteur, faut faire gaffe, la signalisation est un peu plus dispersée. On passe le reste de l’après-midi à grimper, en s’enfonçant de plus en plus profond dans la forêt.

 

On arrive au chalet vers 16h. Il était temps parce que ma chaîne est recouverte de sable et commence à sauter. D’ailleurs, c’est un problème généralisé dans le groupe. Faudra régler ça à l’aube, avant de reprendre la route. Pour le moment, on relaxe dehors, bien heureux d’avoir quelques sacs de chips et une glacière pleine de bière. La grosse vie!!

3e et dernière journée. Bruine matinale. Après le déjeuner, je trempe mon Chic-Chocs dans le ruisseau à côté du chalet pour nettoyer ma chaîne. Bien heureux d’avoir apporté du lubrifiant. Le reste du groupe fait la queue au ruisseau pour faire de même.

On prend la route vers 8h, dans la bruine. Tout est en transition.

On passe des chemins forestiers aux sentiers étroits sur fond de lichens spongieux. Le singletrack est old school, rustique, si c’est pas dire primitif.
Charlevoix, c’est le paradis du champignon forestier. Des amanites tue-mouches, des champignons violets, rouges, oranges, des couleurs fauves qui me sont inconnues en forêt. Y en a partout. C’est magnifique. Les mycologues amateurs doivent pas dormir ici.

Après la forêt, on entre dans l’ultime phase de la Traversée. Sur les sentiers de gravier, les rôles changent. Les derniers sont maintenant les premiers. On pousse la machine. Silence entre les acteurs. Tout ce qu’on entend, c’est le bourdonnement des pneus sur le sentier de gravier comme bruit de fond.

On aperçoit nos véhicules à l’horizon. Kelly et moi avons pris de l’avance sur le reste du groupe. On s’arrête sur le côté pour les attendre. Lorsqu’ils nous ratrappent, on se joint à eux. On continue le dernier kilomètre tous ensemble, à sept de large sur le sentier de gravier.


Post scriptum

Petit passage à Baie St-Paul pour un lunch tardif. Le groupe en profite pour faire un post-partum. On est tous d’accord sur le fait que la Traversée de Charlevoix requiert un haut niveau d’endurance, autant au plan physique qu’au plan mental. C’est une très grosse ride de vélo de montagne.
Bien que la Traversée puisse se faire en vélo de montagne conventionnel, nous sommes d’avis que les “plus” bikes et les fatbikes sont les meilleurs setups pour s’y aventurer.

Pour ceux qui décident de tenter l’expérience, assurez-vous d’avoir une bonne connaissance de la mécanique et une bonne connaissance des premiers soins en forêt.

Si vous avez ces compétences, et si vous décidez de vous y aventurer, vous aurez droit à un mélange incroyable de sentiers: des sentiers de randonnée impraticables à vélo aux sentiers de quad, en passant par les chemins forestiers et le singletrack de brousse. Des montées infernales sans fins et des descentes techniques sur fond de gravier instable qui donnent des crampes aux mains et qui chauffent les disques.

Des ponts brisés, qui ont trop de vécu. Des ponts qui, en environnement si humide, deviennent gluants et glissants. Des traversées de rivière et des trous d’eau, de la boue, du sable et de la poussière. De la poussière, du sable et de la boue.

Mais l’expérience en vaut certainement la chandelle. C’est de loin la plus belle expérience à vélo que j’ai vécu.

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