ZEC Pontiac et ZEC Bras-Coupé-Désert
Texte : Loïc Olivier
Photos : Loïc Olivier et Fred Michaud
***Cette aventure n’a pas été réalisée en 2020 dans le contexte de la pandémie
On se fait un itinéraire lousse d’une centaine de km à partir de Cayamant. Fred avait eu le OK de la municipalité pour qu’on puisse garer l’auto dans le stationnement de l’hôtel de ville.
On sort les vélos et les sacs de l’auto avant de tout charger sur les vélos. Il fait vraiment pas chaud, c’est gris, il vente. On enfile un manteau avant de détaler.
On arrive rapidement sur le territoire de la forêt de l’Aigle.
D’après ce que j’ai appris, la Corporation de gestion de la forêt de l’aigle a géré ce territoire pendant une quinzaine d’années en conciliant l’exploitation forestière avec la pratique d’activités récréatives de plein air. La Corporation a fait faillite en 2012. Par la suite, une coopérative de solidarité a tenté de reprendre le flambeau mais n’a pas réussi son pari…
Malgré tout, le chemin du Black Rollway (prononcé “Blaque Rrôllway” par les gens des alentours) est bien entretenu. C’est la route principale qui se rend à ce qui était à l’époque le pavillon central, en plus d’être l’un des chemins d’accès à la ZEC Pontiac. C’est aussi le tremplin pour le club quad, qui gère de nombreux sentiers dans le coin.
On spotte quelques petits loops à faire en montant vers le Black Rollway, ce qui nous permet de quitter le chemin principal rapidement. Malgré la pluie battante de la nuit passée, les sentiers sont secs. Faut dire que comme la plupart des sentiers sont très sablonneux, ils s’assèchent rapidement.
On avait appris en faisant des recherches que le Black Rollway et les chalets de la forêt de l’Aigle avaient été saccagés l’année précédente. Des voleurs s’étaient emparés de tout ce qui pouvait avoir de la valeur: portes, fenêtres, rampes d’escalier, four, vaisselle, toilettes, calorifères…. Même la tôle sur le toit des bâtiments secondaires a été volée… Ça rend l’endroit bien étrange…
On fait le tour des édifices et on remarque que le soleil a finalement percé les nuages. On en profite pour se faire un lunch près de la rivière de l’Aigle. Fred sort un thermos bien chaud avec 4 grosses saucisses à l’intérieur. On se fait des hotdogs de fortune pendant qu’on se fait griller au soleil. On veut remonter la rivière de l’Aigle et faire une boucle à l’est de la communauté Kitigan Zibi Anishinabeg.
On n’avance pas 50m qu’on croise un gars en char avec son fils. Ils cherchent un spot pour camper et pêcher. Ils reviennent du chemin de l’Aigle et nous disent que c’est impraticable en auto. Pas de problème en fatbike. Le gars nous mentionne aussi la présence d’un super spot pour camper appelé le Canyon, à 4 ou 5km de là.
On reprend notre chemin. La route est très raboteuse. Pas de problème en quad, ni en fatbike. On comprend pourquoi le gars en char a dû rebrousser chemin!
Comme prévu, on trouve une vieille pancarte jetée par terre quelques kilomètres plus loin. C’est la pancarte qui annonce l’emplacement du Canyon. On s’aventure sur le sentier étroit et on tombe sur un couple qui nous regarde avec un certain degré de réserve. Faut pas leur en vouloir, deux gars en fatbike qui arrivent de nul part, sans faire de bruit, ça laisse un peu bête. On les salue, on regarde rapidement le site (et l’accès incroyable à une série de petits rapides), on s’excuse d’avoir troublé leur intimité et on se casse.
Beau spot pour le camping, en tout cas.
On continue tranquillement notre chemin sur quelques kilomètres avant de tomber sur une autre pancarte. On vient d’entrer sur le territoire de Kitigan Zibi.
En descendant une côte, on remarque un sentier qui se dirige vers l’ouest. «No way!», Fred s’exclame. «Ils ont reconstruit le pont»!
Et du coup, on a un accès à la ZEC Bras-coupé-Désert. Le pont avait brûlé à quelques reprises au cours des années, comme tant d’autres infrastructures dans la région… Là, il est clairement neuf. Nos plans changent tout d’un coup. On décide de bifurquer vers l’ouest, entrer dans la ZEC Bras-coupé-Désert puis revenir vers la fôrêt de l’Aigle par la ZEC Pontiac.
On arrive sur un pont qui semble en piteux état. Le pont était clairement englouti à cause d’un monstrueux barrage de castor en amont. Le barrage a disparu, mais les conséquences de sa présence sont claires…. Le pont de bois est pourri à plusieurs endroits.
L’après-midi avance bien, les côtes se font de plus en plus longues et les sentiers sont de plus en plus rocailleux. D’la grosse roche. Des baby heads. Les fatbikes flottent sur les galets. C’est vraiment pas le genre de sentiers où tu veux te retrouver avec du 700C… Roue faussée et vol plané garanti.
On roule en déconnant pendant une vingtaine de kilomètres avant de déboucher dans la ZEC Pontiac.
À 17h30, on entend un quad, qui s’arrête tranquillement à côté de nous. C’est le garde-chasse de la ZEC Pontiac, un gars dans la vingtaine qui vient du Saguenay-Lac-St-Jean et qui passe tout son été au poste Hibou. Il patrouille les centaines de kilomètres de sentiers en quad toutes les semaines. Il nous offre de l’eau que nous acceptons volontiers.
On termine la ride une heure plus tard en retournant dans la forêt de l’Aigle. On a roulé longtemps aujourd’hui : un gros 85km de chemins de brousse sablonneux. Je suis crevé.
On trouve un spot dans un gazebo en ruine pour installer mon hamac et la tente de Fred. C’est près de la rivière. On filtre de l’eau, on se fait un gros souper, on boit une bière et on se couche à la brunante. Dans le hamac, j’arrive à surélever mes jambes qui sont franchement raides. La nuit est fraîche, il doit faire 2 ou 3C, je dors tout habillé, avec une cagoule, une tuque, un cache-cou et des pantoufles.
Vers 6h, je sors du hamac pour me faire un café. On essaie de partir un feu mais y a pas un morceau de bois qui est sec. On explore les sites de camping à proximité. Même si les infrastructures sont en ruine, ça reste une vraie mine d’or.
On plie bagage et on pédale en direction du Nid de l’Aigle, une montagne qui se trouve sur le chemin du retour. Arrivé sur place, on cache nos vélos dans le bois et on commence l’ascension. Le sentier a perdu sa forme, la nature a repris son cours. Fred utilise sa machette pour ouvrir le chemin.
Arrivé en haut, la vue est à couper le souffle.
De retour en selle pour les derniers miles. On sait à peu près où on veut s’en aller; on laisse le look des sentiers dicter l’itinéraire. On passe par des bûchers sablonneux et d’autres paysages lunaires. Il fait chaud et il fait beau. On s’en donne à coeur joie.
De retour à Cayamant, on s’arrête au magasin général du village pour s’acheter quelques bières. Les locals nous dévisagent. Les bikepackers courent pas encore les rues à Cayamant.
Faudrait que ça change, parce que ça vaut vraiment le détour.