
Traversée de la Géorgie et de l’Arménie à vélo
Durant l’été 2024, notre ambassadrice Louise Philipovitch et son partenaire Justin Roy-Brousseau sont partis pour 2 mois de bikepacking en Géorgie et en Arménie, à travers la chaîne de montagne du Caucase. Retour sur leur expérience.
Mots & photos : @louise_philipovitch (photos de Louise par Justin Roy-Brousseau)
C’est quand j’ai commencé à parler de notre voyage à notre entourage que j’ai réalisé à quel point la Géorgie était peu connue au Québec. Presque systématiquement, alors que j’évoquais ce nom, on me répondait “Ah, vous allez en Géorgie aux États-Unis?”. Cela peut facilement se comprendre : ce tout petit pays de moins de 4 millions d’habitants, situé à la frontière entre l’Europe et l’Asie, peut sembler bien lointain depuis notre Belle Province.
Pourtant, tout comme l’Arménie, ce pays aux traditions millénaires et qui est parfois considéré comme le berceau de la civilisation, est également une destination de vélo de montagne et de bikepacking bien connue.


J’avais la Géorgie et l’Arménie en tête depuis la lecture du livre de Clara Arnaud, Au détour du Caucase, où l’autrice relate de sa traversée de la Géorgie et de l’Arménie à pied, accompagnée de son cheval.
Cette lecture m’avait profondément marquée : la description de ces magnifiques montagnes me faisait rêver, mais c’est surtout l’histoire de ces territoires qui m’interpellait, une histoire de peuples déchirés, de frontières fluctuantes, et de conflits géopolitiques profonds autour de ces territoires disputés par les grandes puissances voisines, la Russie et la Turquie. J’étais certaine de vouloir y aller, et c’est en faisant quelques recherches en ligne que j’ai découvert un itinéraire créé par BIKEPACKING.com parcourant justement ces régions que je voulais visiter. Les photos qui accompagnaient la description de l’itinéraire ont fini de nous convaincre Justin et moi, et nous achetions nos billets d’avions et commencions à préparer notre aventure.
Nous avions décidé de nous laisser du temps pour découvrir la région, et avions prévu deux mois et demi pour ce voyage. Pour les vélos, Justin a porté son choix sur le Boreal Pinion, car il voulait un vélo solide et confortable, adapté à des terrains accidentés et du dénivelé, et surtout car il voulait essayer le système Pinion et ne plus avoir à se soucier d’un bris de dérailleur ou d’une chaîne à remplacer. De mon côté, je suis partie avec le Torngat Ti qui était le fatbike que j’avais roulé l’hiver de la même année, et qui pouvait facilement se convertir en MTB en changeant les roues/pneus ainsi que l’axe de pédalier. Aucun de nous deux n’avait de suspension avant, et nous n’avons pas regretté notre choix : nous avions chacun des pneus de 29”x2.6” nous permettant beaucoup de polyvalence et assez de confort pour nous amuser à dévaler les grandes descentes en single track.


Lors de notre arrivée, fin juillet 2024, nous avons immédiatement été plongés dans l’ambiance locale : une vie très rurale avec des cochons laissés en liberté qui traversent la route au détour d’un virage, et une forte influence de l’aire soviétique (ces deux pays faisaient partie de l’URSS) avec des camions militaires russes et des vieilles Lada, la voiture soviétique emblématique des années 70’.
Nous nous sommes inspirés de l’itinéraire Caucasus Crossing de BIKEPACKING.com et l’avons adapté afin d’aller explorer davantage les montagnes et les vallées perdues. Dans la région, le dénivelé n’est pas à prendre à la légère! Les montagnes sont hautes, certes, mais c’est surtout la manière dont les routes ont été développées -ou leur absence de développement- qui représente un défi : dans ces régions, les déplacements se faisaient historiquement à cheval ou à pied, et en dehors des routes principales qui se trouvent dans le creux des vallées, il y a peu d’alternatives pour gravir les cols. Bien souvent, l’option est une single track abrupte, qui est en fait un sentier utilisé par les bergers et les randonneurs, impliquant parfois de devoir pousser son vélo sur 2 jours. C’est notamment ce que nous avons fait en Tusheti pour passer le célèbre Atsunta Pass situé à 3510 mètres d’altitude. Les infrastructures routières sont cependant en plein développement depuis quelques années, ce qui laisse à penser que la majorité des chemins de gravel que nous avons empruntés seront asphaltés d’ici 5 ou 10 ans.


Un autre élément marquant de notre voyage aura été les nombreuses rencontres avec les bergers qui vivent dans les montagnes l’été avec leurs troupeaux. Dès qu’ils nous voyaient, ces bergers nous invitaient à trinquer avec eux, et nous offraient tout ce qu’ils possédaient : fromage de brebis fait par eux-mêmes, pain, crudités rapportées de la vallées, le tout arrosé de cha-cha, cet alcool géorgien fait maison, ou bien de “vodka” qui est l’alcool fait par les bergers arméniens à base de petits fruits ramassés en montagne et fermentés. Ce n’était pas toujours évident de pédaler droit après ces petites festivités improvisées!
Ces deux petits pays, qui à eux deux réunissent moins d’habitants que le Québec seulement, nous auront profondément marqués. Une expérience culturelle unique qui nous aura permis de mieux comprendre cette région du monde et des conflits géopolitiques qui l’habitent, et de vivre l’immense générosité des personnes qui habitent la région.